Une entreprise presque normale

La savonnerie renouvelle sa gamme et évolue vers d’autres marchés.
C’est une entreprise comme les autres. Quarante salariés, des produits qui vont de la cosmétique aux parfums d’ambiance, un chiffre d’affaires de 6,5 millions d’euros. Enfin, presque comme les autres. Car Flavien, qui a pignon sur rue en plein Lunéville, est une entreprise adaptée dont le logo revendique fièrement l’insertion des personnes handicapées.

Jusqu’ici très discrète dans son activité de fabrication de savons et savonnettes élargie à celle des produits d’entretien écologiques, l’entreprise sexagénaire vit une expérience sociale originale depuis ses débuts en 1952 à Boulogne-sur-Seine. Réinsérer par le travail des personnes handicapées. « Des déficiences psychologiques ou physiques, auditives, visuelles, des tocs, des sourds-muets, énumère Didier Bonnart, le directeur industriel de l’usine. Les personnes employées ont plus ou moins de capacités. A nous d’adapter la personne à l’environnement de l’usine en aménageant son poste, sachant que le mot rendement est banni chez nous. » Mais l’entreprise bénéficie d’une aide au poste de la part de l’État pour combler le manque de productivité.

La semaine de 35 heures se fait sur quatre jours avec du personnel venant de Blâmont, Badonviller ou Lunéville, pris en charge par un service de navette interne à l’usine. Tous les salariés (sauf 5 valides) ont le statut de handicapés et sont envoyés par les structures d’accueil comme Handi 54 ou les IME (instituts médico-éducatifs). Le plus âgé d’entre eux a 33 ans d’usine au compteur et Didier Bonnart ne craint pas de dire que le taux d’absentéisme est égal à zéro. Autre caractéristique du personnel handicapé de Flavien, « il ne se plaint jamais ». Si les petits soucis du quotidien prennent souvent plus d’ampleur ici qu’ailleurs, la bonne humeur y est de mise en permanence. Favorisée par le restaurant où, chaque jour, la chef cuistot concocte un menu?; et la petite salle de cours à l’usage de ceux qui veulent continuer d’apprendre, lire ou écrire parfois. Dans cette entreprise atypique dont la quintessence semble être le bonheur au travail, le développement a la même signification qu’ailleurs. Il emprunte aujourd’hui le chemin de la R&D avec un laboratoire intégré, ne se contentant plus de fabriquer, transformer et conditionner pour assurer l’avenir.

L’objectif qualité passe par la collaboration des parfumeurs de Grasse pour la mise au point de la nouvelle ligne de soins du corps et d’eaux de Cologne. Les parfums d’ambiance complètent l’offre qui vient aussi de relooker tous le packaging. Qualitative dans ses productions, Flavien se veut aussi très réactive sur des marchés de petite ou moyenne quantités où le fait-main continue de perdurer, notamment pour les marques de distributeurs. Ces conditions trouvent un écho favorable dans une clientèle qui va des milieux hospitaliers aux collectivités locales en passant par les entreprises, les artisans et les particuliers aussi. Dans l’année à venir, la distribution passera également par Internet, les grands comptes et la vente en réunion. «?Une ouverture vers des marchés nouveaux dans le respect des valeurs de solidarité?» est la philosophie que le nouveau directeur général Frédéric Kost-Hernandez a fait sienne.

Flavien, implantée à Lunéville depuis 1968, est devenue la locomotive d’un GIE qui comprend un atelier adapté de brosserie situé à Décines dans le Rhône, le tout employant près de 80 personnes. Au fil du temps, l’entreprise adaptée n’est pas tout à fait devenue une entreprise ordinaire – l’humain continue d’y occuper la première place – mais les profits sont là.
Un exemple à suivre ?

Pierre TARIBO

Article paru dans l’hebdomadaire La Semaine (21/06/2013)